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Dépossession, destruction et réserves

Il y avait des réserves en Afrique, dans les colonies britanniques, et au Canada, où les colonisateurs plaçaient les gens qu'ils avaient dépossédés, des gens qui se trouvaient au travers des plans politiques et économiques des colons européens.
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  • Genocide

Vers les années 1830 et 1840, lorsque la colonisation du Canada est passée à la vitesse supérieure, les colons européens ont adopté des lois et des règlements pour gérer les populations avec lesquelles ils entraient en contact. La réserve était une stratégie coloniale courante pour gérer la population autochtone locale. Il y avait des réserves en Afrique, dans les colonies britanniques, et au Canada, où les colonisateurs plaçaient les gens qu'ils avaient dépossédés, des gens qui se trouvaient au travers des plans politiques et économiques des colons européens.

À partir du 19ème siècle, les Peuples Autochtones de l'Amérique du Nord ont fait face à une crise qui allait en s'aggravant. Ils faisaient face à une destruction imminente. À l'arrivée de Christophe Colomb, il avait peut-être plus de 100 millions d'Autochtones dans les Amériques. 1  À la fin du 19ème siècle, 90 à 99 % d'entre eux avaient disparu. 2 Des études récentes montrent que, contrairement à la croyance voulant que « l'expansion canadienne dans l'Ouest était beaucoup moins violente que celle des États-Unis », le colonialisme canadien a été pour le moins meurtrier. 3  En fait, de nombreux penseurs de cette époque ont remarqué les effets cumulatifs du colonialisme européen et craignaient l'extinction des Peuples Autochtones au Canada. 4

Les Autochtones au Canada ont été tués en grand nombre par des maladies européennes comme la rougeole, la variole et la grippe contre lesquelles ils n'étaient pas immunisés. Mais ils ont également été tués par les lames et les fusils européens, et d'autres facteurs directement liés au colonialisme comme le vol des terres à très grande échelle, les expulsions forcées et l'épuisement des ressources naturelles. En fait, à partir des années 1830, les groupes autochtones ont été encouragés et, parfois, contraints à abandonner leurs anciennes habitudes migratoires pour s'établir sur des réserves, apprendre l'agriculture et le commerce et recevoir une éducation religieuse. 5  La Couronne est devenue l'administrateur des terres autochtones pour les protéger de la vente illégale, du braconnage et de l'empiètement (toutefois, cet arrangement a privé les autochtones de leurs droits territoriaux; légalement, leurs terres ne leur appartenaient plus). D'autres lois interdisaient la vente d'alcool et protégeaient les membres des réserves contre les poursuites, les impôts et la saisie des biens. Au milieu du 19ème siècle, les colons européens ont commencé à arriver en Amérique du Nord en grand nombre. Ils sont venus pour l'or, les terres, le minerai, le bois et les pêcheries; ils ne recherchaient plus de partenaires locaux et n'en avaient plus besoin.

Pas plus qu'ils n'avaient besoin du bison. James Daschuk de l'Université de Regina et d'autres chercheurs affirment que la destruction catastrophique des Peuples Autochtones en Amérique du Nord a atteint son point culminant avec la décision des gouvernements américain et canadien d'éradiquer les hardes de bisons dans les Prairies pour la construction du chemin de fer du Canadien Pacifique (qui allait servir d'artère commerciale principale avec l'Ouest). En 1869, la destruction des hardes de bisons dont dépendaient les Peuples Autochtones pour la nourriture et d'autres ressources était presque complète. 6  Le premier ministre Sir John A. Macdonald a décidé d'expulser les Peuples Autochtones des terres convoitées par les Européens. Selon M. Daschuk,

[le] principal aspect de la préparation de la [province de la Saskatchewan] a été l'asservissement et le retrait forcé des communautés autochtones de leurs terres traditionnelles, ce qui consistait essentiellement à éliminer les Autochtones des Prairies pour faire de la place à la construction du chemin de fer et à la colonisation. Malgré les garanties d'aide alimentaire en cas de famine figurant dans le Traité 6, les représentants canadiens ont utilisé la nourriture, ou plutôt la privation de nourriture comme moyen de nettoyage ethnique de la vaste région allant de Regina à la frontière de l'Alberta à mesure que le chemin de fer du Canadien Pacifique prenait forme. Pendant des années, les représentants du gouvernement ont privé les Autochtones de nourriture jusqu'à ce qu'ils se déplacent dans les réserves désignées, en les forçant à échanger leur liberté pour des rations alimentaires. Une fois sur les réserves, la nourriture stockée dans les bâtiments de rations était bloquée jusqu'à ce qu'elle pourrisse, tandis que les gens à qui elle était destinée sont tombés dans un cycle de plusieurs décennies de malnutrition, de système immunitaire déprimé et de maladie comme la tuberculose et de nombreuses autres maladies. Des milliers de gens sont morts. 7

M. Daschuk continue en expliquant que le plus grand retrait forcé, destiné à éliminer tous les Autochtones, a eu lieu sur le territoire Assiniboine, où « en un an, 5 000 personnes ont été expulsées de Cypress Hills ». 8  Bien qu'elles fussent annoncées comme un lieu de protection pour les personnes en danger, les réserves avaient un but important : faire de la place aux nouveaux colons européens et créer un nouveau système économique fondé sur l'agriculture dans lequel le mode de vie autochtone traditionnel n'avait pas sa place. Ainsi, les réserves fondées plus tard dans des régions comme la Colombie-Britannique étaient des « réserves de grâce et de charité, et non pas de droits naturels ou juridiques. » 9  En fait, les chercheurs affirment que ces réserves servaient de « laboratoires sociaux » où les habitants des Premières Nations allaient devenir des Canadiens productifs et civilisés. 10

Qui plus est, « une fois que la colonisation européenne a vraiment commencé », écrivent Alan McMillan et Eldon Yellowhorn, « les traités sont passés de la paix et de l'amitié au vol des terres ». 11  Les nouveaux traités, signés entre 1871 et 1921 et connus sous le nom de traités numérotés, étaient très différents des traités précédents. Les Européens voyaient le pays comme un vaste espace vide (terra nullius en termes juridiques), prêt à être colonisé. Ainsi, un agent du ministère des Affaires indiennes a déclaré à un groupe d'Autochtones en 1876 :

Il y a plusieurs années, vous étiez dans les ténèbres en train de vous entretuer et de faire le commerce des esclaves. La terre n'avait pas de valeur pour vous. Les arbres n'avaient pas de valeur pour vous. Le charbon n'avait pas de valeur pour vous. L'homme blanc est venu et il a amélioré vos terres; vous pouvez suivre son exemple : il coupe les arbres et vous paie pour l'aider. Il tire le charbon du sol et vous paie pour l'aider; vous vous développez rapidement. Le gouvernement vous protège, vous êtes riche. Vous vivez dans la paix et vous avez tout ce dont vous avez besoin. 12

À la conclusion des traités numérotés, écrit James Daschuk, « un plan était établi pour la conversion des communautés autochtones à l'agriculture et la colonisation des Prairies par les fermiers européens ». 13  Ainsi, pendant le processus d'ouverture des terres aux colons européens, environ la moitié des terres avait été prise aux Autochtones. Dans de nombreux cas, lorsque les moyens pacifiques n'étaient pas la meilleure façon de vider les Prairies des groupes autochtones affamés et malades, le gouvernement s'en remettait à la tromperie. Les agents du gouvernement rédigeaient des traités dans un langage technique avec lequel les chefs autochtones n'étaient pas familiers, et les accords verbaux, conclus avec des traducteurs, étaient souvent très différents des traités rédigés en anglais. Les Premières Nations ont reçu un paiement unique, une parcelle relativement petite de terres de réserve, et un paiement en argent annuel pour chaque membre du groupe. Les traités entre nations précédents ont été remplacés par de nouveaux accords qui étaient, dans les faits, des documents de vente. 14

  • 1David E. Stannard, American Holocaust: The Conquest of the New World (New York: Oxford University Press, 1992), 51, 101, 267–68. Les estimations de la population précolombienne ont été étudiées par de nombreux chercheurs. Au cours des dernières années, les chiffres ont été revus à la hausse de façon assez spectaculaire. Comme nous l'avons déjà mentionné, Alan Taylor a affirmé que la plupart des universitaires estiment que jusqu'à 50 millions de personnes vivaient dans les Amériques et que de 2 à 10 millions de personnes vivaient au nord du Rio Grande avant le contact. Voir Alan Taylor, American Colonies: The Settling of North America (New York: Viking Penguin, 2002), 40. Charles C. Mann analyse l'hypothèse d'un taux de mortalité de 95 % (ou d'un taux de survie de 5 %) dans son livre 1491: New Revelations of the Americas Before Columbus (New York: Vintage Books, 2006), 113–14.
  • 2David E. Stannard, American Holocaust: The Conquest of the New World, x.
  • 3James Daschuk, « When Canada Used Hunger to Clear the West » The Globe and Mail, 19 juillet 2013. Pour en savoir plus, voir le livre de M. Daschuk Clearing the Plains: Disease, Politics of Starvation, and the Loss of Aboriginal Life (PCS) (Regina: University of Regina Press, 2013).
  • 4George M. Dawson (1849–1901) était l'un d'eux. M. Dawson était géologue, géographe et anthropologue, et fonctionnaire canadien. Voir George M. Dawson, « Sketches of the past and present condition of the Indians of Canada », The Canadian Naturalist and Quarterly Journal of Science... etc., vol. 9, éd. Elkanah Billings, Bernard James Harrington, James Thomas Donald (Montreal: Dawson Brothers, 1881), 158–159.
  • 5John L. Tobias, « Protection, civilization, assimilation: An outline history of Canada’s Indian policy » dans As Long as the Sun Shines and Water Flows, 41.
  • 6Andrew Woolford, « Ethnic Cleansing, Canadian Style », Literary Review of Canada [critique de livre], consulté le 1er décembre 2014.
  • 7James Daschuk, « When Canada Used Hunger to Clear the West ».
  • 8James Daschuk, Clearing the Plains: Disease, Politics of Starvation, and the Loss of Aboriginal Life (PCS), 123.
  • 9George F. G. Stanley, « As Long as the Sun Shines and Water Flows: A Historical Comment », dans As Long as the Sun Shines and Water Flows, 10.
  • 10John L. Tobias, « Protection, civilization, assimilation: An outline history of Canada’s Indian policy », 41–42.
  • 11Alan D. McMillan and Eldon Yellowhorn, First Peoples in Canada (Madeira Park, BC: Douglas and McIntyre, 2013), 319.
  • 12Cité dans Cole Harris, « How Did Colonialism Dispossess? Comments from an Edge of Empire » Annals of the Association of American Geographers 94 (2004), 170.
  • 13James Daschuk, Clearing the Plains: Disease, Politics of Starvation, and the Loss of Aboriginal Life (PCS), 99.
  • 14Alan D. McMillan et Eldon Yellowhorn, First Peoples in Canada, 320.

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— Claudia Bautista, Santa Monica, Calif