Un génocide canadien à la recherche d’un nom | Facing History & Ourselves
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Un génocide canadien à la recherche d’un nom

Lisez la demande faite au gouvernement du Canada pour qu’il reconnaisse la façon dont il a traité les Peuples Autochtones pendant la période coloniale du Canada comme un génocide.  
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  • Genocide

Dans les années 90, de plus en plus d’universitaires, d’activistes et de chefs autochtones commencent à exiger du Canada qu’il reconnaisse le traitement infligé aux Peuples Autochtones comme un génocide. 1  Dans un article récent intitulé « A Canadian Genocide in Search of a Name », le chef national de l’assemble des Premières Nations, en collaboration avec Michael Dan, médecin et philanthrope, et Bernie M. Farber, fils de Survivants de l’Holocauste et directeur général du Mosaic Institute, ont appelé le gouvernement du Canada à accepter sa responsabilité. 2

Il est temps pour les Canadiens de faire face à cette triste réalité. Le Canada a pris part à une politique délibérée de tentative de génocide commise contre les  Premières Nations  ...Certains ont prétendu que les racines du génocide remontaient à l’entrée en vigueur de la  Loi sur les Indiens  de 1876 qui légalisait les Premières Nations en tant que groupe inférieur et faisaient d’elles des pupilles de l’État. En réalité, il ne s’agissait que de mots couchés sur papier en comparaison avec les accusations portées à l’égard du gouvernement canadien en 1907 par le premier médecin-chef, Dr Peter Bryce...

Ce dernier a découvert un « crime national » contre la santé des Premières Nations... Selon Bryce, les Peuples Autochtones du Canada du Manitoba, de l’Alberta et de la Saskatchewan étaient « décimés par la tuberculose et... le gouvernement fédéral possédait les moyens de mettre un terme à cette situation ». Il a plutôt choisi une approche minimaliste qui, selon l’opinion médicale du Dr Bryce, « se résumait à peu de choses ».

Nous devons nous poser la question suivante : à quel moment un génocide devient-il un génocide? Ceci semble une question absurde, mais l’histoire n’est pas toujours présentée dans un emballage soigné doté d’une étiquette « génocide, ouvrir avec précaution »... En vertu de la définition présentée dans la [Convention sur le génocide], le traitement que le Canada inflige à ses Premières Nations, même de nos jours, satisfait la définition de génocide :

Les expériences nutritionnelles récemment mises au jour ayant eu lieu dans des pensionnats autochtones répondent aux critères du point 2 b).

Le système de pensionnats autochtones lui-même, ainsi que la pratique courante dans les années 60 visant à arracher de force les enfants de leurs  réserves  aux fins de les placer dans des familles adoptives non autochtones, et aujourd’hui appelée « Rafle des années soixante », répondent aux critères du point 2 e).

La décision du gouvernement dans les années 1900 de laisser des enfants autochtones mourir de la tuberculose répond aux critères du point 2 c).

Et cette liste n’est aucunement exhaustive...

Le gouvernement du Canada reconnaît aujourd’hui cinq génocides : l’Holocauste et l’Holodomor ainsi que ceux de l’Arménie, du Rwanda et de Srebrenica.

Le temps est venu pour le Canada de reconnaître formellement un sixième génocide, soit celui de ses propres communautés autochtones; un génocide qui a commencé dès les premiers contacts avec celles-ci et qui était toujours bien en cours depuis notre naissance; un génocide qui, bien qu’à la recherche actuelle d’un nom, n’est plus à la recherche de faits historiques. 3

Questions de mise en relation

  1. Selon les auteurs du passage ci-dessus, en quoi les pensionnats autochtones étaient-ils génocidaires? Êtes-vous d’accord avec les auteurs? Pourquoi ou pourquoi pas?
  2. Le gouvernement du Canada a demandé au Dr Peter Bryce d’enquêter sur les conditions sanitaires des pensionnats autochtones au début du 20e siècle, ce qui a mené à l’écriture d’un livre intitulé The Story of a National Crime: Being a Record of the Health Conditions of the Indians of Canada from 1904 to 1921. En quoi le fait d’inclure une référence à l’ouvrage de Bryce a-t-il des répercussions sur le raisonnement des auteurs?
  3. Bien qu’il n’existe aucune obligation juridique visant à reconnaître les gestes posés par les pensionnats autochtones comme génocidaires, quelles obligations morales et éthiques pourraient accompagner une telle reconnaissance?
  4. Bernie Farber, mentionné dans la présente lecture, soutient dans un essai récemment publié qu’« aucun volume de recherche ni récit de souvenirs de première main raconté par des milliers de Survivants et de Survivantes  de pensionnats autochtones ne semblent suffisant pour freiner ceux qui refusent d’accepter le rôle historique que nous avons joué dans la tentative d’éradiquer de notre terre la culture autochtone ainsi que des milliers de ses membres ». Farber poursuit en mentionnant que Gregory Stanton, président de l’International Association of Genocide Scholars, proclame que « le déni se veut l’ultime étape d’un génocide ». En gardant ceci à l’esprit, pourquoi croyez-vous que les activistes, les Survivants et les Survivantes ainsi que les universitaires ont lutté pour que l’activité des pensionnats autochtones soit classée comme génocide? Qu’espéraient-ils, ainsi que des adeptes comme Farber, accomplir?
  5. Dans son livre primé de 2003 traitant du génocide, A Problem from Hell: America and the Age of Genocide, la spécialiste et diplomate Samantha Power a souligné l’importance d’employer le terme génocide en tant qu’effort pour les prévenir et les éliminer. Deux ans plus tard, le monde faisait face à une rapide intensification de violence et de tueries en masse dans la région du Darfour, au Soudan. Sous la pression de différentes organisations politiques et d’autres sur le terrain, l’ancien président George W. Bush a qualifié de génocide les mesures prises par le gouvernement du Soudan contre les habitants de Darfour. 4  Cet emploi du mot « G » s’est révélé une victoire pour plusieurs qui considèrent le génocide comme le pire crime international. Les assassinats ne se sont toutefois pas atténués à la suite de cette déclaration, et le nombre de morts et celui de personnes déplacées continuent de grimper, respectivement évalués aujourd’hui à 300 000 et à six millions. 5   À la lumière de ces faits, quelle est, selon vous, la valeur de l’étiquette génocide? Est-elle uniquement symbolique? L’emploi du terme génocide aiderait-il le Canada? Quelles autres mesures sont nécessaires pour mettre un terme aux douleurs, aux pertes et à la souffrance continuelle des Peuples Autochtones?
  • 1Woolford, Andrew, Jeff Benvenuto et Alexander Laban Hinton, Éd., Colonial Genocide in Indigenous North America (Durham: Duke University Press, 2014), 5-7.
  • 2Michael Dan et Bernie Farber dirigent tous deux la Gemini Power Corporation, une société qui soutient les Premières Nations dans ses efforts de création de secteurs durables.
  • Premières NationsLes Premières Nations vivent en Amérique du Nord depuis des dizaines de milliers d’années. Aujourd’hui, le terme fait référence aux quelque 617 communautés différentes, traditionnellement formées d’environ 400 personnes. Ces nations affichent une grande richesse et une grande diversité d’identités, de cultures et de coutumes. Plusieurs voient l’Amérique du Nord comme leur patrie traditionnelle et ne reconnaissent pas certains aspects de la souveraineté des États-Unis et du Canada. Avec les Métis et les Inuits, les Premières Nations font partie d’un plus grand groupe officiellement appelé les Peuples Autochtones du Canada.
  • Loi sur les IndiensPromulguée par le gouvernement fédéral en 1876, la Loi sur les Indiens regroupait toutes les lois précédentes sur les Premières Nations et les a fait passer sous compétence fédérale. Cette loi a créé le terme Indien en tant que catégorie juridique et a défini le statut d’Indien (Indien inscrit), qui excluait les Inuits et les Métis. Elle a donné au gouvernement, par l’entremise du ministère des Affaires indiennes, le pouvoir de créer des lois et des politiques concernant les « Indiens » et les « affaires indiennes » comme l’appartenance, l’infrastructure et les services des réserves, les systèmes de gouvernance, la culture et l’éducation.
  • réservesPrincipal outil d’une stratégie coloniale typique, les réserves étaient de petites zones pratiquement inhabitables où les colonisateurs cherchaient à gérer les peuples qu’ils dépossédaient. Au Canada, dans les années 1850, une série de lois a été adoptée pour redéfinir les frontières des collectivités des Premières Nations, leurs propriétés et leur occupation du territoire, ce qui a accru la pression de déménager dans des réserves. Le manque d’investissements et les mauvais services gouvernementaux ont exacerbé l’isolement des Premières Nations, ce qui a entraîné le déclin économique de plusieurs réserves, et a fait augmenter le taux de violence et les crimes dans celles-ci.
  • 3Fontaine, Phil, Michael Dan et Bernie M. Farber, “A Canadian Genocide in Search of a Name,” The Star, 19 juillet 2013, consulté le 3 octobre 2014. Reproduit avec la permission de Phil Fontaine, de Michael Dan et de Bernie M. Farber.
  • Survivants et de SurvivantesCe terme a d’abord été utilisé pour parler des personnes qui ont survécu à l’Holocauste et à d’autres génocides; plusieurs personnes estiment que les élèves des pensionnats partagent des symptômes semblables à ceux d’autres Survivants et Survivantes, notamment le détachement émotif, la culpabilité et le trouble de stress post-traumatique. Utilisé pour la première fois dans les années 1990 pour parler des expériences des élèves autochtones dans le système de pensionnats, le terme fait également référence aux anciens élèves de ces celles-ci, des personnes qui ont été victimes de négligence, et de violence physique et sexuelle de la part.
  • 4VandeHe, Jim, “In Break with U.N., Bush Calls Sudan Killings Genocide,” The Washington Post, 2 juin 2005, consulté le 23 juin 2015.
  • 5Phillips, George, “Don’t forget about Bashir and Sudan,” The Washington Examiner, 23 juin 2015, consulté le 23 juin 2015.

How to Cite This Reading

Facing History & Ourselves, "Un génocide canadien à la recherche d’un nom," last updated October 29, 2019.

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— Gabriela Calderon-Espinal, Bay Shore, NY